Revue de l’Institut Napoléon
Numéro 224 (2022-1)
Editorial
Après une année 2021 marquée par la commémoration de la mort de Napoléon, l’année 2022 a pu apparaître plus terne. Et pourtant elle a été marquée par plusieurs événements qui montrent que le souvenir de l’époque impériale se perpétue et au-delà du souvenir que la période continue à passionner nos contemporains. En septembre, la ville de Rueil-Malmaison a organisé son 4e jubilé impérial. Bal de l’impératrice, bivouac, reconstitutions, animations dans les rues de la ville, grande parade, autant d’événements qui ont réjoui petits et grands et sans doute suscité des vocations de futurs historiens. À Rueil toujours, la magnifique exposition consacrée à « Eugène de Beauharnais, un prince européen » a permis de redécouvrir le château de Bois-Préau, fermé depuis une trentaine d’années. Grâce à l’opiniâtreté de la nouvelle directrice des châteaux de la Malmaison et de Bois-Préau, Elisabeth Caude, la création d’un espace d’exposition au rez-de-chaussée devrait être suivie de l’ouverture au public du premier étage, permettant ainsi de découvrir les collections permanentes liées à la légende napoléonienne. L’exposition Eugène fut aussi l’occasion d’un partenariat fructueux entre l’Institut Napoléon, la ville de Rueil et la Malmaison, sous la forme d’un colloque de deux jours consacré à Eugène de Beauharnais qui connut un grand succès. C’était en cette année 2022 le 10e colloque organisé au sein de ce partenariat entre la ville de Rueil et l’Institut Napoléon, les actes ayant été publiés chaque année dans la Collection de l’Institut Napoléon.
Ces colloques annuels s’inscrivent dans le cadre du label « Ville impériale » créé en 2011 précisément à l’initiative de la ville de Rueil et de son maire, Patrick Ollier, qui fut le premier président de la fédération. Lui a succédé Frédéric Valletoux, alors maire de Fontainebleau, qui, devenu député, a dû abandonner la présidence, laquelle est revenue à Arnaud Péricard, maire de Saint-Germain-en-Laye, tandis que le réseau des villes impériales ne cessait de s’accroître, accueillant même maintenant des villes partenaires, à l’image d’Auxerre qui a organisé le 10 décembre 2022, à l’occasion de la commémoration de la mort de Jean-Roch Coignet, le héros du lieu avec Davout, un événement spécial ! Du côté de la Fédération européenne des cités napoléoniennes avec laquelle l’Institut Napoléon collabore également, les manifestations n’ont pas manqué à travers l’Europe. Son président fondateur, Charles Bonaparte, a choisi de se retirer. Vincent Chauvet, maire d’Autun, est le nouveau président de la Fédération. Nul doute que cet ancien étudiant en histoire à la Sorbonne saura poursuivre l’œuvre entreprise à partir de 2004 pour valoriser le patrimoine des cités marquées par l’histoire napoléonienne, en parfaite harmonie avec toutes les sociétés ou associations travaillant dans le même but.
Des collaborations devraient se développer également avec l’Association Belge Napoléonienne et son président, Alain Martin, comme en atteste le programme des conférences joint à ce numéro. Enfin la Fondation Napoléon a lancé en 2022 un programme d’actions « Faire connaître et aimer Napoléon aux jeunes » pour 2026 auquel l’Institut Napoléon est totalement prête à apporter son expertise scientifique.
Il est à souhaiter que dans les années à venir toutes les entreprises qui s’intéressent à l’époque napoléonienne, à travers la redécouverte du patrimoine qui en est issu, des archives qui ne cessent d’être mises à jour, des écrits qu’il est toujours important de relire, puissent ensemble collaborer et favoriser une meilleure connaissance de cette période fascinante.
Jacques-Olivier Boudon
Président de l’Institut Napoléon
Résumés
La représentation de la guerre dans les discours de Napoléon
par Jacques-Olivier Boudon
Dès qu’il prend le commandement de l’armée d’Italie en 1796, Napoléon Bonaparte s’illustre par ses discours de guerre, conçus pour galvaniser les troupes et leur montrer le chemin du combat. À partir de 68 discours prononcés entre 1796 et 1815, apparaissent des constantes dans la manière de valoriser les vertus du soldat (courage, bravoure, tempérance), de faire appel à l’histoire aussi bien ancienne que très contemporaine quand Napoléon met en avant ses succès passés, Austerlitz en premier lieu. Le discours, concis, se veut pédagogique. Il résume les combats, s’attarde sur le bilan des batailles et n’exalte que les victoires. Surtout Napoléon, par ses discours, s’affirme comme un remarquable écrivain.
Angoulême, une ville moyenne de l’Empire
par Stéphane Calvet
Forte de 12 000 habitants, la ville d’Angoulême n’a jamais manifesté un réel enthousiasme pour l’Empire. Sous le Consulat et le début de l’Empire, les querelles entre royalistes et républicains peinent à s’estomper. Les premiers préfets du département le constatent amèrement. En dépit de leurs efforts, des réseaux locaux subsistent et posent toujours des problèmes. Toutefois c’est bien la guerre dans la Péninsule ibérique qui bouleverse la vie quotidienne des Angoumoisins. Placée sur une route stratégique, la ville est subitement confrontée aux défis du passage récurrent de milliers d’hommes dont les comportements sèment souvent la confusion et aussi l’effroi. En 1808, elle devient un dépôt pour prisonniers de guerre espagnols et doit accueillir aussi des centaines de blessés afin de désengorger les autres villes du sud-ouest. On peut comprendre alors pourquoi, lors des Cent-Jours, le mouvement des fédérés peine à se former.
« Journal du séjour à Dresde de Sa Majesté l’Empereur et Roi Napoléon. L’an 1813 »
par Charles-Éloi Vial
Rédigé par un chambellan anonyme de la cour de Saxe de mai à juillet 1813, un long journal, conservé au département des Manuscrits de la Bibliothèque nationale de France, donne de précieux détails sur les occupations quotidiennes de Napoléon, notamment durant son séjour au palais Marcolini, dans les faubourgs de Dresde, à l’époque de l’armistice de Pleiswitz, où l’empereur assista à des représentations théâtrales, des dîners et des réceptions en présence du roi Frédéric-Auguste Ier de Saxe, autant d’événements destinés à rassurer l’opinion publique, en Allemagne comme en France. Ce document donne aussi de précieux renseignements sur le fonctionnement de la Maison de l’empereur au lendemain de la mort de Duroc, grand maréchal du palais, dont l’intérim fut assuré par Caulaincourt. Plusieurs lettres du grand écuyer, rédigées à la même époque et évoquant principalement les affaires internes de la Maison, sont proposées en annexe.
Duroc, duc de Frioul, Grand-maréchal du Palais de Napoléon (1772-1813) Quand les archives parlent…
par Danièle Meyrueix
La dernière biographie du général Duroc, grand maréchal du Palais de Napoléon Ier et son plus proche confident, datait de 1913, écrite par le commandant Jean de la Tour, à l’occasion du centième anniversaire de sa mort durant la campagne de Saxe le 23 mai 1813. 2022 marquait le 250e anniversaire de sa naissance et l’on commémore en 2023, le 210e anniversaire de sa disparition. Le hasard a permis à Danielle Meyrueix d’accéder aux archives inédites de la famille paternelle de Géraud Christophe de Michel, chevalier du Roc – dit Duroc – qui dormaient aux archives départementales de la Lozère. Les précieuses correspondances retrouvées permettent de rétablir une parfaite chronologie des évènements et la véracité des faits, s’agissant notamment de la personnalité et de la vie intime de cet homme de l’ombre qui tint un rôle majeur auprès de Napoléon et qu’il était temps de faire revivre.
Abstracts
by Gerald G. Guétat
Diplomacy and revolution. The choice of negotiators at the time of the Consulate
by Michel Kerautret
As soon as he took command of the Italian army in 1796, Napoleon Bonaparte distinguished himself by his war speeches, designed to galvanize the troops and show them the way to combat. Based on 68 speeches made between 1796 and 1815, there are constants in the way to value the virtues of the soldier (courage, bravery, temperance), to appeal to history both ancient and very contemporary when Napoleon highlights his past successes, Austerlitz in the first place. The speech, concise, is intended to be pedagogical. It summarizes the fights, focuses on the results of the battles and exalts only the victories. Especially Napoleon, by his speeches, asserts himself as a remarkable writer.
Angoulême, an average city of the Empire
by Stéphane Calvet
With 12,000 inhabitants, the city of Angoulême has never shown any real enthusiasm for the Empire. Under the Consulate and the beginning of the Empire, disputes between royalists and republicans struggled to fade. The first prefects of the department noted this bitterly. Despite their efforts, local networks remain and still cause problems. However, it is the war in the Iberian Peninsula that disrupts the daily life of the Angoumoisins. Placed on a strategic road, the city is suddenly faced with the challenges of the recurrent passage of thousands of men whose behaviors often sow confusion and also fear. In 1808, it became a depot for Spanish prisoners of war and had to accommodate hundreds of wounded in order to relieve the other cities of the southwest. We can then understand why, during the Hundred Days, the federated movement struggles to take form.
« Diary of the time spent in Dresden by His Majesty the Emperor and King Napoleon. The year 1813 »
by Charles-Eloi Vial
Written by an anonymous chamberlain of the Saxon court from May to July 1813, a long diary, preserved in the Manuscripts Department of the Bibliothèque nationale de France, gives precious details about Napoleon’s daily occupations, particularly during his stay at the Marcolini Palace, in the suburbs of Dresden, at the time of the Pleiswitz armistice, where the emperor attended theatrical performances, dinners and receptions in the presence of King Frederick-Augustus I of Saxony, all of which were intended to reassure public opinion in Germany and France. This document also provides valuable information on the functioning of the Emperor’s household following the death of Duroc, grand marshal of the palace, who was replaced by Caulaincourt. Several letters from the grand equerry, written at the same time and referring mainly to the internal affairs of the House, are proposed as an appendix.
Duroc, Duke of Friuli, Grand Marshal of Napoleon’s Palace (1772-1813) When the archives tell…
by Danièle Meyrueix
The last biography of General Duroc, the Grand Marshal of the Palace of Napoleon I and his closest confidant, dated 1913, written by Commander Jean de la Tour, on the occasion of the hundredth anniversary of his death during the campaign of Saxony on 23 May 1813. Year 2022 marked the 250th anniversary of his birth and in 2023, is commemorated the 210th anniversary of his death. By chance, Danielle Meyrueix was able to access the unpublished archives of the paternal family of Géraud Christophe de Michel, Chevalier du Roc – aka Duroc – which were sitting on the shelves of the departmental archives of the Lozère. The precious correspondence found helps to restore a perfect chronology of events and the truth of the facts, In particular, the personality and intimate life of this man of the shadows, who played a major role with Napoleon and it was time to bring it to light.