Revue de l’Institut Napoléon
Numéro 216 (2018-1)
Editorial
En avril 2018 est paru le 15e volume de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, dont la publication sous l’égide de la Fondation Napoléon avait commencé en 2004. C’est incontestablement un monument qui fera date, proposant aux passionnés de l’empereur, comme aux historiens et aux simples lecteurs l’ensemble des lettres de Napoléon connues à ce jour. Ce sont ainsi plus de 40 000 lettres qui ont été publiées depuis quatorze ans, dont 30 % étaient inédites. Cette édition permettra de fournir un corpus très complet d’une partie des écrits essentiels de Napoléon, dont Adolphe Thiers, préparant son Histoire du Consulat et de l’Empire, avait perçu la valeur, faisant recopier par un de ses secrétaires, Jules Goschler, une grande partie de cette correspondance alors même qu’aucun travail d’édition n’avait encore été entrepris. En lisant ces lettres, Thiers avait perçu leur qualité littéraire, comme il le souligne dans le tome 7 de sa fresque. « Le siècle avait un écrivain immortel, immortel comme César ; c’était le souverain lui-même, grand écrivain parce qu’il était grand esprit ». Sainte-Beuve, grand admirateur de Napoléon, lui fait écho quand il décrit l’empereur comme « le premier écrivain du siècle ». La Correspondance de Napoléon est un document essentiel pour connaître le passé, mais aussi pour comprendre le temps présent, comme l’a fort bien souligné Jean-Claude Casanova, dans la conclusion à la journée d’études organisée à la Bibliothèque Marmottan sur la Correspondance, lorsqu’il avança l’idée qu’il était nécessaire pour l’homme d’aujourd’hui de connaître le fonctionnement de l’Etat dans le passé, regrettant qu’on ne publie pas davantage d’écrits des hommes d’Etat français. Au cours de la même journée, introduite par le président de la Fondation Napoléon et qui vit Thierry Lentz et François Houdecek présenter le dernier volume, Jean Tulard, Patrice Gueniffey et moi-même sommes revenus sur les différents projets d’éditions qui avaient été envisagés depuis l’époque du Second Empire, la dernière commission lancée au début des années 1980, présidée par Jean Tulard, ayant périclitée à la suite des changements politiques. La Correspondance générale donne naturellement un coup de vieux à la Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de Napoléon III, que tous les amateurs de l’empire connaissent. Publiée entre 1857 et 1869 en trente-deux volumes, elle représentait alors une entreprise déjà colossale, mais qui avait un but précis, ériger un monument de papier à la gloire de Napoléon, ce qui avait conduit la Commission, surtout quand le prince Napoléon en prit la présidence en 1864, à écarter un certain nombre de lettres. De fait la Correspondance du Second Empire ne contient que la moitié des lettres aujourd’hui connues. Elle fut du reste très rapidement complétée à la fin du XIXe siècle, mais régulièrement des éditions de compléments apparurent, mais sans que jamais jusqu’à l’entreprise de la Fondation Napoléon, on ne dispose d’un ensemble complet. La Correspondance du Second Empire peut toutefois être conservée, car elle contient d’autres pièces que des lettres, par exemple des ordres, des rapports, et surtout les fameux Bulletins de la Grande Armée, sans parler des Mémoires de Napoléon dans les derniers volumes. Disponible en ligne sur le site gallica de la Bibliothèque Nationale de France, elle permet aussi d’effectuer des recherches par mot fort utiles. Il ne reste qu’à souhaiter une mise en ligne prochaine, du reste prévue, de la Correspondance générale de Napoléon Bonaparte, pour qu’elle s’impose définitivement comme l’outil essentiel à toute recherche sur le Consulat et l’Empire. L’Institut Napoléon est fier d’avoir été associé à l’entreprise dirigée par la Fondation Napoléon, son président s’étant vu confier la rédaction de l’Introduction générale en 2004, tandis que plusieurs des membres de son conseil d’administration participaient au comité historique et que nombre de ses adhérents aidaient comme bénévoles à la préparation de l’édition des lettres.
Jacques-Olivier Boudon
Président de l’Institut Napoléon
Résumés
La formation des officiers de cavalerie à la fin du Premier Empire.
L’école de Saint-Germain-en-Laye. 1809-1814
par Jacques-Olivier Boudon
La création en 1809 de l’école spéciale de cavalerie, installée à Saint-Germain-en-Laye, répond au souhait de Napoléon de renforcer l’encadrement d’une arme devenue décisive dans les combats militaires. Elle est destinée aux fils de notables à l’heure où le régime tente de rallier à lui l’ancienne noblesse. Au total 558 élèves ont suivi les cours de l’école. Les archives de l’école, complétées par les mémoires et correspondances des élèves permettent de comprendre comment s’y organisait l’enseignement et quelle était la vie quotidienne des élèves. L’école disparaît avec l’Empire en 1814.
Soigner et être malade à la cour de Napoléon Ier : quelques documents sur la Maison médicale de l’empereur
par Charles-Eloi Vial
Si les pathologies du premier Empereur des Français ont été constamment étudiées et commentées par ses nombreux biographes, et si la personnalité de son premier médecin Corvisart est très connue, le fonctionnement de la Maison médicale, qui exista au sein de l’Intendance générale de la Couronne de 1804 à 1814 avec un effectif de 30 personnes, est encore peu connu. Napoléon a pourtant tenu à organiser tout un service de santé comprenant des médecins, des chirurgiens, une pharmacie et un hôpital. Contrairement à la Maison du roi de l’Ancien Régime, la Maison médicale de l’empereur et les médecins de la cour durent également opérer sur les champs de bataille, ce qui leur conféra une expérience inédite, notamment en matière de chirurgie. À partir de documents inédits, comme les papiers de la Maison de l’Empereur aux Archives nationales, la correspondance du chirurgien Larrey à la Bibliothèque nationale de France ou les bulletins de santé présents dans les papiers de Joseph Bonaparte conservés à la bibliothèque de l’Institut de France, il devient possible d’esquisser le fonctionnement d’un service de santé polyvalent, capable de soigner les courtisans comme les blessés de guerre.
Les Tuileries, palais des arts sous le Premier Empire
par Antoine Boulant
Le 19 février 1800, Bonaparte s’installait aux Tuileries, qui devenaient ainsi la résidence officielle du Premier consul et le siège de son gouvernement. Inadapté à la vie de cour que le chef de l’Etat entendait développer, le palais fit toutefois l’objet de nombreux travaux et aménagements à partir de 1805, sous la direction de Charles Percier et Pierre Fontaine. Tandis que les appartements étaient somptueusement décorés et que de nouvelles pièces étaient aménagées – notamment un salon dédié aux maréchaux, une salle du Trône, une chapelle et une salle de spectacle –, une nouvelle aile ayant pour fonction de relier les Tuileries au Louvre et un arc de triomphe destiné à servir d’entrée d’honneur furent édifiés. Ils demeurent aujourd’hui les seuls vestiges in situ d’un palais dont le souvenir même s’est effacé depuis le terrible incendie qui le ravagea le 23 mai 1871.
Abstracts
The training of the cavalry officers at the end of the First Empire. The Saint-Germain-en-Laye school. 1809-1814
by Jacques-Olivier Boudon
The creation of the special school of cavalry in 1809 settled in Saint Germain-en-Laye is the answer of the wish of Napoleon to strengthen the supervision of a military corp more and more decisive during battles. It is intended for the sons of notables at the moment when the regime tries to attract the former mobility. A total of 558 cadets attended the course of the school. Its archives, completed by cadets’s memoirs and correspondences allow to understand how the teaching was organized and the daily life at the school. It closed as the same time as the Empire in 1814.
To be sick and cured at Napoleon’s court: Some documents on the medical House of the emperor
by Charles-Eloi Vial
The pathologies of the first Emperor of the French have been constantly studied and commented by his numerous biographers and the personality of his first medical doctor Corvisart is well know, the functioning of the medical House which was part of the general estate of the Crown from 1804 till 1814 with a staff of 30 people is still little known.
In fact, Napoleon was anxious to organize a complete healthcare service including doctors, surgeons, a pharmacy and an hospital. Contrary to the King’s House of the Ancien Régime, the emperor’s medical House and the court’s doctors had also to operate on battlefields which brought them a new experience, especially regarding surgery. From unpublished documents, as the papers of the Emperor’s House at the National Archive, the correspondence of the surgeon Larrey at the National French Library, or the medical bulletins kept in Joseph Bonaparte’s papers at the Institut de France, it become possible to sketch the functioning of a multi-purpose health service able to take care of courtiers as well as wounded soldiers.
The Tuileries, palace of the arts under the first Empire
by Antoine Boulant
On February 19th, 1800, Bonaparte settled down in the Tuileries which so became the official residence of the First consul and the center of his government. Unsuitable for the court’s life which the Head of State intended to develop, the palace was however the place of numerous works and arrangements from 1805, supervised by Charles Percier and Pierre Fontaine.
Whereas apartments were luxuriously decorated and new rooms were fitted out, in particular a lounge dedicated to the marshals, a throne room, a chapel and a theater, in addition a new wing connected the Tuileries and the Louvre was built with a triumphal arch to be used as an entrance of honor. They remain today the only vestiges in situ, after the memory of the palace faded away since the terrible fire which destroyed it on May 23rd, 1871.